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Solutions en matière d’assurance des marchandises et rôle de l’IdO et de l’IA

Par Dana Al-Nammari & Dave Swindells | Date de publication 27 juin 2023

Nous savons tous que le marché de l’assurance est un marché cyclique. À l’heure actuelle, le marché de l’assurance est un « marché étroit », ce qui pousse les titulaires de police et leurs courtiers à chercher des solutions qui leur permettront de compenser la hausse des primes et à l’ajout de conditions restrictives. Le secteur du transport maritime a été durement touché par le marché étroit de l’assurance IARD, comme l’atteste notamment l’augmentation des stocks dans les programmes d’assurance des marchandises. C’est peut-être le meilleur moment pour effectuer un changement, ne serait‑ce que pour profiter des technologies qui existent dans le secteur du transport maritime et de la logistique.

 

L’assurance maritime traditionnelle offre une protection contre les pertes ou les dommages matériels subis par les marchandises en cours de transport, et pendant qu’elles sont temporairement entreposées dans le cours normal du transport. Il existe une extension moins traditionnelle, mais tout de même assez courante, qui consiste à assurer les marchandises avant le début du transport ou après la fin du voyage, appelée « extension d’entreposage ». Bien que cette garantie puisse être offerte par une extension d’une police d’assurance des marchandises, elle est le plus souvent consentie aux termes d’une police d’assurance des biens.

 

Les récents renouvellements de contrats de réassurance IARD ont entraîné une augmentation considérable des coûts des assureurs en première ligne, certains d’entre eux ayant subi des hausses de 25 % à 70 %[1]. De plus, les montants de rétentions de bon nombre d’assureurs en première ligne ont augmenté[2]. Les hausses constatées sont multidimensionnelles, les risques de catastrophe constituant le facteur principal à l’origine de l’augmentation des primes, entraînant des changements marqués dans les modalités des polices[3]. Des risques secondaires comme les feux de forêt, les tempêtes de verglas, les inondations et la grêle ont également eu une incidence sur le marché de la réassurance depuis le 1ᵉʳ janvier[4]. La voie à suivre s’annonce tout aussi ardue, certains intervenants du marché canadien spéculant que les tarifs de réassurance se maintiendront en raison des répercussions économiques telles que l’inflation, les tensions géopolitiques et les dommages excessifs causés par CatsNat [catastrophes naturelles], facteurs qui influent tous sur l’avenir des renouvellements en matière de réassurance [notre traduction][5].

 

Puisqu’on s’attend à ce que les présentes conditions se maintiennent, les titulaires de police et leurs courtiers sont à la recherche de moyens qui leur permettront d’alléger le coût des primes. L’une des stratégies consiste à transférer le risque lié aux marchandises d’une police assurant les biens à une police d’assurance maritime. Il peut s’agir de marchandises entreposées dans des lieux appartenant au titulaire de police ou entreposées dans des entrepôts appartenant à des tiers ou dans des centres de distribution en attente de livraison finale. Une assurance des marchandises type cesse de s’appliquer lorsque les marchandises sont reçues à l’entrepôt. La garantie peut être offerte en assurant expressément les lieux au moyen d’un avenant d’entreposage.

 

Une autre solution, qui concerne habituellement les risques liés à la fabrication, consiste à couvrir les marchandises du titulaire de police au cours des diverses étapes du transport aux termes d’une assurance maritime appelée « police d’assurance des marchandises avec entreposage ». Cette assurance peut couvrir des matières premières en arrivage au fur et à mesure qu’elles sont transformées en produits finis (à l’exclusion des sinistres résultant du processus), puis pendant qu’elles sont expédiées sous forme d’articles partiellement achevés à une autre usine de fabrication, ou sous forme de produits finis aux acheteurs.

 

La difficulté réside dans l’analyse des risques et le suivi de ces marchandises au cours de leur voyage assuré, que ce soit pendant le transport ou l’entreposage. Toutefois, cette question peut être résolue dans un contexte où de plus en plus de secteurs intègrent l’Internet des objets (IdO) à leurs activités d’exploitation et à leur chaîne logistique et tirent parti de l’intelligence artificielle (IA).

 

Comment l’IdO et l’IA peuvent-ils aider?

L'IdO est un système de dispositifs et de capteurs interconnectés qui peuvent recueillir et échanger des données [notre traduction][6]. Ces dispositifs intelligents peuvent être intégrés aux conteneurs d’expédition standard, insérés dans l’emballage d’une cargaison ou intégrés directement aux marchandises expédiées. Les données saisies peuvent inclure la localisation physique à l’aide de capteurs GPS, les conditions environnementales telles que la température et l’humidité ambiantes, les mesures de mouvement telles que les accélérations ou les arrêts soudains, et les mesures de quantité telles que le nombre d’unités dans un emballage donné.

 

En 2021, il y avait 13,8 milliards d’unités d’IdO et on s’attend à ce que ce nombre double d’ici 2025[7]. En 2022, on prévoyait que l’industrie maritime dépenserait 931 millions de dollars américains pour se procurer des solutions d’intelligence artificielle. Ce chiffre devrait plus que doubler au cours des cinq prochaines années pour atteindre 2,7 milliards de dollars américains d’ici 2027, soit un taux de croissance annuel composé de 23 %[8]. La numérisation de la chaîne logistique d’approvisionnement et l’intégration de l’IA offrent à tous les participants l’occasion de tirer parti des données associées au processus.

 

Cet investissement dans l’IA devrait avoir les effets suivants :

 

  • Une augmentation des entrepôts intelligents. Grâce aux progrès technologiques, et en particulier à l’augmentation de la demande suscitée par les produits de consommation pendant la pandémie, de grands centres de distribution comme ceux d’Alibaba et d’Amazon ont ouvert la voie dans le domaine du développement d’entrepôts intelligents. L’IA et les robots autonomes sont utilisés pour colliger les livraisons faites sur commande pour les consommateurs, ce qui réduit la nécessité de conserver une grande quantité de stocks, aide à quantifier les pertes futures et réduit le risque d’accumulations importantes tant pour les assureurs que pour les gestionnaires de risques[9].
  • L’aménagement d’entrepôts sur demande, à l’image de Airbnb. L’intégration de l’entreposage commercial à l’économie du partage permettrait l’utilisation d’un grand nombre d’entrepôts loués ainsi qu’une diminution de l’accumulation de la valeur des stocks, entraînant ainsi une diminution des frais des titulaires de police[10].
  • L’utilisation de conteneurs intelligents dans la chaîne d’approvisionnement. Les gestionnaires de risques peuvent utiliser les données transmises par le conteneur intelligent pour localiser leur cargaison à quelque moment que ce soit, depuis le moment où elle est préparée dans des entrepôts intelligents en vue du transport par différents moyens jusqu’à sa destination finale, grâce à la technologie des capteurs GPS qui s’apparente aux « étiquettes » des valises.[11] Les conteneurs intelligents permettent un contrôle adaptatif de la température pendant le voyage, protégeant ainsi mieux les marchandises contre les dommages causés par les fluctuations de température, et permettent aux opérateurs portuaires de scanner et de séparer automatiquement les conteneurs endommagés[12].
  • L'utilisation de camions porte-conteneurs autonomes. Depuis 2021, les grands ports à conteneurs du monde entier ont déployé des camions à conteneurs autonomes capables de transporter des conteneurs entre les navires, les parcs à conteneurs et les centres de distribution. La Chine a déjà lancé des camions porte-conteneurs autonomes dans 13 de ses ports[13], fournissant aux gestionnaires de risques les données les plus à jour sur l’emplacement exact de leurs conteneurs dans la chaîne logistique, ce qui leur permet de mieux estimer les heures de départ et d’arrivée et de retracer les cargaisons mal livrées ou retardées.
  • L’utilisation de machines automatisées par l’IA dans les ports. Pour le chargement et le déchargement des conteneurs sur les navires et les camions afin de s’assurer que les conteneurs sont chargés correctement et efficacement, pour maximiser l’espace et réduire la durée des voyages.
  • L’utilisation de l’IA dans les navires (flottes). Cela permet d’optimiser les activités de la flotte et d’améliorer l’efficacité des itinéraires maritimes en analysant les données en temps réel du GPS, de la météo et du trafic afin de réduire les coûts d’expédition et les retards dus aux pannes[14] d’équipement des navires ou à des facteurs externes tels que les conditions météorologiques et les incidents de trafic, comme l’incident du canal de Suez qui s’est produit en 2021, lorsque de nombreux navires ont dû changer d’itinéraire à la dernière minute, ce qui a entraîné des retards inattendus et une augmentation des coûts de fret[15].
  • Amélioration de l’exploitation des navires dans les ports équipés d’IA. Contrôler les conteneurs intelligents pour s’assurer qu’ils sont chargés efficacement et correctement sur les camions et les navires afin de réduire l’erreur humaine et, par conséquent, les risques de sinistres.
  • Modélisation prédictive au moyen de l’IA. Cela permet aux responsables de la logistique de prévoir les risques ou les menaces éventuels liés aux conditions météorologiques ou au trafic afin de tracer des itinéraires plus courts et moins coûteux et ainsi établir des horaires plus exacts.
  • Gestion de la chaîne d’approvisionnement. L’IA peut être utilisée pour optimiser l’ensemble du processus d’expédition, de la gestion des commandes à la logistique et à la gestion des stocks.

 

Ainsi, les gestionnaires de risques et les assureurs pourront surveiller l’accumulation des risques dans les ports, sur les navires ou dans les entrepôts, ce qui permettra d’établir des limites de garantie plus précises à inclure dans les polices d’assurance des marchandises et d’assurance des marchandises avec entreposage.

 

Cela comprend le processus de documentation. La société finlandaise Wärtsilä, chef de file du domaine des technologies intelligentes et des solutions complètes de cycle de vie pour les marchés maritime et énergétique, a mis en place une connexion numérique sécurisée, intelligente et infonuagique pour les applications tout au long de la chaîne d’approvisionnement, facilitant ainsi les demandes d’indemnité éventuelles[16]. Des alertes automatiques au moyen de conteneurs et de navires équipés d’IoT peuvent avertir les opérateurs de navires et les autorités compétentes en cas d’urgence, ce qui permet une intervention rapide et réduit, potentiellement, la gravité d’un sinistre[17]. Dans les camions à conteneurs autonomes, la détection d’un mouvement imprévu, comme une accélération ou un arrêt soudain, pourrait indiquer un incident susceptible de donner lieu à une demande d’indemnité.

 

L’incident de 2021, au cours duquel le navire Ever Given a bloqué le canal de Suez, a démontré à quel point ces modèles de prévision sont critiques. La route maritime la plus fréquentée étant entièrement bloquée, les compagnies maritimes ont dû improviser et se mettre à la recherche des itinéraires plus courts qui leur feraient gagner le plus de temps possible.[18] La technologie d’IA pourrait offrir des solutions mieux ciblées en temps réel[19].

 

La faillite de Hanjin Shipping[20] et l’incident de Zim Kingston sont des exemples récents de situations où la modélisation prédictive ainsi que les conteneurs et les navires intelligents auraient pu jouer un rôle important en contribuant à réduire les sinistres susceptibles de découler de conditions météorologiques par une offre de solutions en temps réel.

 

Les solutions d’IA minimisent également l’empreinte carbone d’une flotte de navires, les prévisions d’itinéraires tenant compte de facteurs de consommation de carburant permettant de réduire les émissions et aidant les transporteurs à réduire leur incidence sur la pollution.

 

Les assureurs et les courtiers peuvent utiliser les données de l’IdO pour analyser, repérer et atténuer les risques, favorisant ainsi leur bénéfice net. En raison de l’adoption de l’IdO et de l’IA dans le secteur de la logistique et le marché de plus en plus étroit de l’assurance IARD, c’est le moment ou jamais de transférer les risques liés aux stocks à une assurance des marchandises.

 

[1] « What’s driving Canadian insurers’ reinsurance rates », Alyssa DiSabatino, www.canadianunderwriter.ca/catastrophes/whats-driving-canadian-insurers-reinsurance-rates-1004232507/  (source consultée le 17 avril 2023)

[2]Reinsurance Market Dynamics: Le 1ᵉʳ janvier 2023.  Aon, page 16.

[3]Ibid, page 15.

[4]Ibid, page 17

[5] « What we can expect from future reinsurance renewals », Alyssa DiSabatino, www.canadianunderwriter.ca/insurance/what-we-can-expect-from-future-reinsurance-renewals-1004232597/ (source consultée le 17 avril 2023).

[6] « How IOT is Revolutionizing the Shipping Industry », IdO : IoT: 6 Perfect Use Cases That Change the Shipping Industry (dfreight.org) (consulté le 26 avril 2023)

[7] « The Role of IoT in the Shipping Industry», The Role of IoT in the Shipping Industry | Shipware™  (source consultée le 26 avril 2023)

[8] « Artificial Intelligence in Maritime - a learning curve », Lloyds Register, https://tec.ieee.org/newsletter/december-2021/artificial-intelligence-for-maritime-transport

[9] «Five predictions on the future of smart warehousing,” Internet of business https://internetofbusiness.com/five-predictions-future-smart-warehousing/

[10]ibid

[11]ibid

[12] « AI in Maritime Industry: How Artificial Intelligence Solutions Benefit the Shipping Sector, >>Dorota Owczarek, Nexocode, https://nexocode.com/blog/posts/ai-in-maritime-artificial-intelligence-solutions-in-the-shipping-sector/

[13] « Port Automated Driving Report, 2021 », Report Linker, ReportLinker’s Port Automated Drive Report, 2021

[14] « A brief introduction to AI and its applications in the maritime industry », Safety 4 Sea, Themistoklis Sardis, https://safety4sea.com/cm-a-brief-introduction-to-ai-and-its-applications-in-the-maritime-industry/

[15] « How the Suez Canal blockage may impact reinsurance rates », Adam Malik. https ://www.canadianunderwriter.ca/insurance/How-the-suez-canal-blockage-may-impact-reassurance-rates-1004205822/

[16] « How AI is Influencing the Shipping Industry Today », Advanced Polymer Coatings, https : / / www.adv-polymer.com/blog/artificial-intelligence-in-shipping

[17] « A brief introduction to AI and its applications in the maritime industry », Safety 4 Sea, Themistoklis Sardis, https : / / safety4sea.com / cm-a-brief-introduction-to-ai-and-its-applications-in-the-maritime-industry /

[18] « How the Suez Canal blockage may impact reinsurance rates », Adam Malik. https : / / www.canadianunderwriter.ca / insurance / How-the-suez-canal-blockage-may-impact-reassurance-rates-1004205822 /

[19] « How AI is Influencing the Shipping Industry Today », Advanced Polymer Coatings, https : / / www.adv-polymer.com / blog / artificiel-intelligence-in-shipping

[20] «Hanjin Shipping Bankruptcy » Port Economics, Management and Policy, The Hanjin Shipping Bankruptcy | Port Economics, Management and Policy (porteconomicsmanagement.org)

Au Canada, les produits et/ou services décrits sont fournis par Continental Casualty Company, une compagnie d'assurance IARD. Les informations sont destinées à présenter un aperçu général à des fins d'illustration uniquement. Lisez la clause de non-responsabilité générale de CNA.

Dana Al-Nammari & Dave Swindells
Experts maritimes de CNA Canada

Dana Al-Nammari - Souscriptrice principale — Marine

Dana Al Nammari est souscriptrice principale du secteur Marine de CNA Canada pour la région de l’Est et exerce ses activités depuis les bureaux de Montréal, au Québec. Dana a pour responsabilité d’entretenir nos relations avec les courtiers et les clients dans les domaines de la souscription maritime commerciale, notamment le fret et les stocks, la coque et les machines ainsi que la responsabilité en matière maritime.

 

Dana s’est jointe à CNA Canada en 2020 après avoir occupé divers postes de souscriptrice et d’apéritrice dans le domaine maritime et dans celui de l’immobilier. Elle a également occupé différents postes auprès d’assureurs, de sociétés de gestion d’assurance et de réassureurs au Canada et à l’étranger pendant 33 ans. Dana est titulaire d’un baccalauréat du Moravian College, en Pennsylvanie, aux États-Unis, et d’un titre de fellow, professionnel d’assurance du Canada (FPAA) de l’Institut d’assurance du Canada, où elle donne également des cours et pour lequel elle occupe plusieurs fonctions.

 

Dave Swindells - Spécialiste de la souscription — Marine

Dave Swindells est spécialiste de la souscription pour le secteur Marine de CNA Canada à Toronto. Il a pour responsabilité d’entretenir nos relations avec les courtiers nationaux et leurs clients, et de soutenir le secteur d’activité maritime en ce qui a trait à la stratégie de souscription et au développement technique interne. Il est également responsable de l’élaboration et du soutien des activités du programme maritime. Dave travaille dans le domaine des assurances depuis plus de vingt ans. Avant de se joindre à CNA Canada en 2022, il a occupé divers postes de souscripteur au sein de certaines des plus grandes compagnies d’assurance et de courtage commerciales d’Amérique du Nord, notamment Intact, Zurich et Marsh. Dave est titulaire d’un baccalauréat de l’Université McMaster et d’un titre de professionnel d’assurance agréé (PAA) de l’Institut d’assurance du Canada.